Les journalistes de l’audiovisuel, réalisateurs de documentaires, rédacteurs en chef, directeurs de l’information, producteurs de magazines d’actualité tiennent par ce texte commun à dénoncer de nouvelles entraves à la liberté d’informer. Les tentatives de contrôle de nos tournages par les pouvoirs publics (police, justice, administration pénitentiaire, gendarmerie notamment) n’ont jamais été aussi pressantes.
Un exemple illustre cette dérive : avant d’autoriser à filmer des policiers dans l’exercice de leur fonction, le service de communication de la police nationale exige désormais un droit de validation du reportage avant diffusion.
Il demande aux sociétés productrices de reportages la signature d’une convention stipulant qu’il « visionnera l’émission dans sa version définitive avant première diffusion dans un délai permettant une éventuelle modification (…) sera le seul habilité à valider définitivement le contenu produit sur les plans juridiques, éthiques et déontologiques en accord avec la société (…) Les enregistrements ne doivent pas porter atteinte à l’image de marque de la police nationale, ni comporter de scènes pouvant être considérées comme « choquantes » (…) Aucun extrait ne pourra être diffusé sans l’accord express du représentant de la police nationale. »
Un exemple de moins en moins isolé, toutes institutions confondues.
Les conventions de tournage, établies à l’origine pour protéger la sécurité de personnes ou d’institutions dans des cas très spécifiques sont détournées de leur esprit initial.
De nouveaux alinéas fleurissent sous des formes diverses qui deviennent une claire entrave à nos prérogatives éditoriales et au droit du public à l’information. La presse est déjà soumise au contrôle du législateur. La loi de 1881 sur la liberté de la presse, qui détaille le délit de diffamation et le droit à l’image sont nos garde-fous. S’y ajoutent nos chartes déontologiques sans cesse améliorées depuis le texte initial de 1918.
Les directions de l’information et des magazines, les rédacteurs en chef et leurs équipes ont la responsabilité de veiller au respect de ces obligations légales et éthiques. Tout reportage est soumis à l’examen de nos propres services juridiques avant diffusion. Le traitement d’affaires particulièrement sensibles, ayant trait notamment au terrorisme ou à la sécurité nationale, nécessite des précautions particulières et nous en tenons compte en responsabilité.
Mais en exigeant une validation de nos reportages et documentaires, les pouvoirs publics veulent s’octroyer un droit à la censure. Aucun journaliste ayant pour vocation d’informer librement le public ne peut l’accepter. Il est impensable que la cohérence globale d’un reportage sur le plan juridique, éthique et déontologique soit supervisée par des ministères.
Ces demandes de conventions arrivent par ailleurs dans un contexte où l’article 24 de la loi sur la sécurité globale inquiète de très nombreuses rédactions et agences de presse. Nous demandons donc aux institutions concernées de renoncer à ces conventions qui portent atteinte au droit de la presse. Pas plus que nous, le public ne saurait comprendre la persistance de cette obstruction à la liberté d’informer.
Les signataires :
- Laurent Guimier, directeur de l’information de France Télévisions
- Thierry Thuillier, directeur général adjoint Groupe TF1, en charge de l’information TF1-LCI
- Marco Nassivera, directeur de l’information d’Arte
- Marc-Olivier Fogiel, directeur général de BFMTV
- Hervé Béroud, directeur général délégué d’Altice Média
- Vincent Régnier, directeur général de C Production, groupe M6
- Catherine Alvaresse, directrice de l’unité documentaires de France Télévisions
- Fabrice Puchault, directeur de l’unité documentaire société et culture d’Arte
- Harry Roselmack, présentateur et rédacteur en chef de Sept à Huit (TF1)
- Elise Lucet, présentatrice et rédactrice en chef d’Envoyé Spécial et de Cash Investigation (France 2)
- Laurent Delahousse, présentateur et rédacteur en chef des magazines 13h15 et 20h30 (France 2), producteur La Bambola
- Yann Barthès, présentateur de Quotidien (TMC) et producteur, Bangumi
- Marie Drucker, présentatrice d’Infrarouge (France 2), réalisatrice et productrice, No School Productions
- Jacques Cardoze, présentateur et rédacteur en chef de Complément d’Enquête (France 2)
- Karim Rissouli, présentateur de C politique (France 5)
- Bernard de La Villardière, présentateur d’Enquête Exclusive (M6) et producteur-fondateur de Ligne de Front
- Martin Weill, présentateur et grand reporter (TMC)
- Emmanuel Chain, producteur et PDG d’Éléphant
- Philippe Levasseur, directeur général de Capa Presse
- Laurent Bon, producteur, Bangumi
- Renaud Le Van Kim, producteur, Together Media
- Christian Gerin, président du Syndicat des Agences de Presse Audiovisuelles (SATEV)
- Elsa Margout, directrice des magazines de l’Information de France Télévisions
- Philippe Pécoul, directeur de la rédaction de Sept à Huit (TF1)
- Grégoire Marçais, Philippe Visseyrias, Stéphanie Davoigneau, Laurent Briot, Claire Wambergue, rédacteurs de chef de Sept à Huit (TF1)
- Sébastien Vibert et Séverine Lebrun, rédacteurs en chef d’Envoyé Spécial (France 2)
- Hugo Plagnard, Clément Castex et Samuel Humez, rédacteurs en chef de Complément d’Enquête (France 2)
- Emmanuel Gagnier et Sophie Le Gall, rédacteurs en chef de Cash Investigation (France 2)
- Marie de la Chaume et Jean-François Gringoire, rédacteurs en chef de Pièces à conviction (France 3)
- Christophe Brulé, producteur exécutif de Capital (M6)
- Jean-Marie Tricaud, producteur exécutif de Zone Interdite et Enquête Exclusive (M6)
- Maud Brunel, rédactrice en chef de Zone Interdite (M6)
- Hervé Robin, producteur exécutif Ca Peut Vous Arriver (M6)
- Bertrand Deveaud, rédacteur en chef d’Enquête Exclusive (M6)
- Serge Mousson, rédacteur en chef d’Enquête d’Action (W9)
- Myriam Alma, rédactrice en chef de Ligne Rouge (BFMTV)
- La rédaction de Sept à Huit (TF1)
- Les rédactions d’Envoyé Spécial et de Complément d’Enquête (France 2)
- Le service Reportage de France 24
- Les SDJ de France 2, France 3 et France 24
- Frédérick Lacroix, directeur délégué des flux et des documentaires de France.tv Studio
- Luc Hermann, producteur, Premières Lignes
- Stéphanie Lebrun, productrice, Babel Press
- Benoît Thevenet, directeur général délégué de 17 Juin MEDIA
- Laurent Lucas, Guillaume Lacroix, Rémy Buisine, et la rédaction de Brut.
- Tony Comiti, producteur, Tony Comiti Productions
- Patrice Lucchini, directeur de la rédaction, Tony Comiti Productions
- Amandine Chambelland, directrice adjointe de la rédaction de Capa Presse
- Patrice Lorton, directeur adjoint de la rédaction de Capa Presse
- Gaël Leiblang, producteur Elephant Doc
- Jérémie Drieu, rédacteur en chef, Elephant et Cie
- Mathieu Jego, rédacteur en chef aux magazines, BFMTV
- Thierry Tripod et Mikaël Guedj, producteurs, Brainworks
- Frédéric Boisset, rédacteur en chef, Brainworks
- Denis Boutelier et Frédéric Texeraud, producteurs, CAT & Cie
- Stéphane Girard, rédacteur en chef, CAT & Cie
- Eric Colomer, producteur, Dreamway
- Jacques Aragones, producteur, TV Presse
- Jean-Bernard Schmidt, directeur général Spicee Media
- Sébastien Legay, rédacteur en chef à France.tv Studio
- Caroline du Saint,Thomas Zribi et Cyprien D’Haese, rédacteurs en chef à Nova Prod
- Patrick Spica, producteur, Patrick Spica Productions
- Eric Pierrot, producteur, Pallas TV
- Laurent Delhomme, producteur, Yemaya Productions
- Olivier Ponthus, rédacteur en chef, Yemaya Productions
- Gabrielle Gerin, rédactrice en chef, PitchTV
- Marina Ladous, Etienne Huver et Jean-Pierre Canet, Slug News
- Pascal Artaud, producteur, Stp Productions
- Stéphanie Ponsart, Rémi Delescluse et Guillaume Cahour, rédacteurs en chef, Stp Productions
- Stéphane Bentura, président de la commission journalistes de la Guilde des Auteurs et Réalisateurs de Reportages et de Documentaires (GARRD)
- Elizabeth Drévillon, présidente de la Guilde des Auteurs et Réalisateurs de Reportages et de Documentaires (GARRD)