France Ô, -anciennement RFO-sat- est-elle une chaîne de la « diversité », comme étiquetée depuis septembre 2010, où l’une des nombreuses stations régionales du groupe France Télévisions ? Est-ce une chaîne alibi ou la vitrine et le relais d’information des départements d’Outre-mer?
Cette nuance, qui n’en est pas une, est en train de déclencher un début de polémique en Guadeloupe et en Martinique où certains élus, notamment de l’opposition socialiste, s’émeuvent que Patrick de Carolis, en son temps et Rémy Pflimlin, aujourd’hui, laissent accréditer l’idée que France Ô, sur la TNT, serait un canal largement dédié à la diversité et non une chaîne régionale.
En témoignent ainsi, l’embauche au sein des stations basées en Martinique et en Guadeloupe de journalistes et techniciens originaires du Maghreb, d’Egypte ou d’Afrique noire. En témoignent, également, de reportages diffusés tantôt sur le Nouvel An chinois, tantôt les festivités du Ramadan, tantôt, également, sur les problématiques d’intégration dans les banlieues de la métropole…
Interrogé,Victorin Lurel, député PS et président du conseil régional de Guadeloupe explique ainsi : « Depuis la création de RFO-SAT à la fin des années 90, les Outre-mer disposaient d’une chaîne dédiée. Les originaires des Outre-mer vivant dans l’hexagone pouvaient y suivre l’actualité de leur collectivité d’origine et des reportages sur « la vie au pays ».
Cette chaîne était également, bien que de faible audience, un outil de promotion des outre-mer dans l’hexagone. En cela, elle contribuait à une meilleure connaissance des Outre-mer dans l’hexagone et donc à la cohésion entre les Outre-mer et l’hexagone.
Un premier virage a été amorcé avec Patrick de Carolis et la création de France Ô qui ne s’est plus positionnée comme une chaîne exclusivement des Outre-mer et a ouvert son antenne à des émissions venues du Sud en général.
Depuis l’arrivée récente de France Ô sur la TNT, la chaîne a encore changé de tonalité ce qui désoriente les ultramarins. Elle s‘assume encore davantage comme la chaîne de la diversité. Elle traite de plus en plus des problèmes des banlieues, des minorités en général, des pays en développement… sujets qui sont intéressants en eux-mêmes mais qui n’ont pas tous de rapport direct avec les Outre-mer. Les journaux des Outre-mer sont désormais diffusés entre 3 heures et 6 heures du matin ! Les reportages sur le nouvel an chinois ou la pratique du ramadan chez les originaires du Maghreb à Paris présentent un intérêt réel mais les ultramarins de l’hexagone se demandent si, pour les diffuser, il était obligatoire de les déposséder de la chaîne qui leur était dédiée ?
De surcroît, ce qui est singulier est que l’année 2011 qui est celle des Outre-mer correspond précisément à la quasi-suppression dans l’hexagone de la chaîne des Outre-mer !
France Ô se voudrait donc, même si sa ligne éditoriale est encore assez floue, une chaîne de la diversité. Ce nouveau virage soulève plusieurs questions :
- S’il n’est pas contestable que la diversité doit être davantage présente sur les chaînes publiques, doit-elle être traitée par la création d’une chaîne dédiée à la diversité, regardée par les personnes issues de la diversité et traitant des seuls problèmes de la diversité ? (Risque de ghettoïsation).
Ne serait-il pas préférable de diffuser la diversité, (y compris celle issue des outre-mer) sur toutes les chaînes publiques ?
A supposer que la création d’une chaîne de la diversité soit nécessaire, doit-elle se faire en supprimant de fait la chaîne des outre-mer ?
Pourquoi supprimer le support qui faisait connaître les Outre-mer dans l’hexagone précisément au moment où la chaîne va être apportée à tous par la TNT ?
Outre-mer Première, spécialisée sur les outre-mer, est-elle dès lors légitime à produire une chaîne de la diversité ?
Les questions des outre-mer doivent-elles être abordées sur le même support que celles des minorités issues de l’immigration ?
Doit-on traiter, sur la même chaîne, des outre-mer qui sont des territoires de la République et du Sénégal ou du Laos ?
N’y a t’il pas un risque de représentation ghettoïsée des outre-mer ?
Que peut justifier l’abandon de la promotion audiovisuelle des outre-mer dans l’hexagone ?
N’y a-t-il pas un risque au final que cette chaîne à l’identité floue ne soit plus regardée et soit supprimée ? C’est un souci présent en interne à Outre-mer Première »
S’il n’est bien sure pas question d’ostraciser des professionnels venus d’horizons différents, travaillant à France O, martiniquais et guadeloupéens semblent vouloir défendre avant tout l ‘identité d’une chaîne à vocation régionale. Au même titre que France 3, en Corse ou France 3, en Alsace.
Le président du CSA, Michel Boyon, avec qui j’évoquais le problème ce matin même, parle d’un «détournement inquiétant qu’il convient de corriger». «Il ne faudrait pas, dit-il, dédouaner France Télévisions de ses misions et devoirs en matière de diversité, en décidant de sanctuariser une chaîne, dont la diversité n‘est pas la fonction première».
Sujet sensible et à suivre…
Renaud Revel