outremer.ledoc propose une immersion poignante et inédite au centre pénitentiaire de Baie-Mahault (Guadeloupe) à travers la lecture. Dans ce monde rude, implacable, où la surpopulation carcérale est régulièrement dénoncée par la section française de l'Observatoire international des prisons, et face à l'illettrisme, des femmes et des hommes dévoués initient les détenus à la littérature pour faciliter leur insertion. Chaque semaine, ces bénévoles les accompagnent de façon individuelle dans une évasion mentale. Grâce aux livres, le lien se crée, la parole se libère, un horizon s'ouvre à la fois en termes de connaissances, de niveau, mais aussi de représentation du monde.
Le film évoque plusieurs réalités propres à l’incarcération en Guadeloupe, notamment celles de l’isolement, de la récidive, mais plus encore, de l’illettrisme. Cette plongée dans le monde carcéral montre comment les personnes détenues se saisissent de la lecture comme outil d’expression de soi et de réinsertion grâce à l’humanité qu’elle incarne, avec toute la complexité que cette démarche suppose, mais aussi avec émotion et pudeur.
En mars 2021, une association s’est implantée dans les établissements pénitentiaires de Guadeloupe. Depuis, plus de 1 000 livres ont été lus par près de 130 lecteurs et lectrices détenu(e)s, plus de 900 fiches de lectures ont été rendues. Sur le terrain, une vingtaine de bénévoles donnent un après-midi de leur temps chaque semaine. Ces personnes représentent le bras armé de l’accompagnement à la lecture. Venues de tous les milieux, de profils extrêmement divers, formées par l’association, elles n’ont pour la plupart aucune expérience de la prison et doivent intégrer et surmonter toutes les contraintes de sécurité propres à cet univers. Leurs valeurs sont celles du partage, du développement par la culture, du don de soi : pour elles, les personnes incarcérées restent des êtres humains, aux parcours souvent fracassés depuis le plus jeune âge, dont la société ne peut se détourner comme d’un fruit abîmé.
À travers les visites au quartier d’isolement de deux volontaires, Michella et Céline, la caméra entre dans un univers où la littérature sert de fil conducteur, de médiation, et bien souvent, de thérapie. Dans ces tranches de vie filmées avec sobriété, on découvre leurs conversations étonnantes, chaleureuses, touchantes, sensibles, qui montre à quel point l’autre, le détenu, n’est pas si éloigné de soi. En off, les textes des fiches de lecture des prisonniers racontent leurs doutes, leurs désillusions, leurs espoirs.
Tous assurent une forme de continuité entre l’extérieur et l’intérieur, et apportent à leurs lecteurs un temps d’évasion à travers leur regard encourageant, dénué de jugement. D’autres bénévoles sont motivés mais n’y arrivent pas, ils ne supportent pas le choc carcéral, font des crises d’angoisse et abandonnent.
Les mots de l’ombre montre deux réalités en apparence antagonistes dont la rencontre incarne une humanité d’une richesse absolue : un être du monde extérieur — tournoyant, vrombissant — s’arrête pour quelques heures et s’engouffre, librement, entre les murs pour rencontrer un être dont le quotidien plaqué, figé, contrôlé va soudain s’animer. L’objet qui les réunit est le livre, c’est lui qui permet de tout dire, de dépasser les préjugés, de retrouver une liberté et une dignité à travers un échange d’égal à égal.
Le 9 septembre à 23h40 sur France 3, sur La1ere.fr et sur france.tv